J’ai été diagnostiquée proximale. Notion encore totalement inconnue il y a trois ans. Après de longues heures d’observations en tous genres, des constats, des tentatives, le couperet est tombé, l’étiquette tatouée.
C’est la meilleure « maladie » au monde, celle dont on ne parle pas dans nos société...s modernes de peur d’aborder les termes d’attachement, rythme, instinct ou autonomie. De crainte d’attirer le mauvais oeil et de fabriquer des enfants gâtés dépendants pour la vie, qui rongent notre reste de liberté.
Je me sens hors norme depuis le jour où j’ai commencé mes recherches pour vivre un accouchement naturel, j’ai été placée dans une case: elle est pas commode elle, avec ses idées arriérées.
Mais, j’étais à mille lieux d’imaginer ce qui me tomberait sur la tête au moment où, après ma césarienne d’urgence on a refusé que je prenne mon bébé près de moi, prétextant ma fatigue et mon état fébrile. Posée dans son berceau emmaillotée à 2 mètres de mon lit. Je me suis sentie coupée de tout, mon instinct, mes hormones, ma voie… Il fallait que je la pose sur moi, pas par caprice comme diraient certains mais pour laisser la nature faire, l’ocytocine m’envahir après ces poussées d’adrénaline infernales, mes seins se gorger de liquide, mon utérus se remettre en place mais surtout marquer mon bébé de mon odeur, mes microbes, ma tendresse.
Les semaines ont passé et la solitude s’est installée de manière sournoise, les mamans rencontrées au parc, au yoga, au tricot ne me ressemblaient pas. Elles m’ont évincées une à une en parlant de moi comme d’une fille vraiment bizarre, peu fréquentable, beaucoup de violence à mon égard. Je les voyais partir en week end en amoureux, donner des biberons, se réjouir de laisser bébé garder à la famille pour respirer, pratiquer le 5-10-15 ou utiliser des termes qui me faisaient froid dans le dos. «trop gâté», «capricieux», «bébé difficile et insatisfait». Je me sentais au contraire de plus en plus centrée sur l’essentiel, déconnectée des pressions sociales qui me glissaient dessus sans aucune prise.
Je les voyais souffrir de leur maternité, se battre pour s’imposer et se perdre dans les abysses pour tenir à bout de bras leurs principes de départ. Ce qui m’a beaucoup marquée c’est cette énergie déployée pour prouver qu’un enfant ne change pas la vie et que coûte que coûte on gardera notre rythme, nos passions, nos occupations quitte à en perdre la raison, au détriment de soi, de l’autre, de l’enfant. J’ai été très troublée de voir leur souffrance, leur résistance, face à la nature et à leur maternité naissante.
Cette solitude ne me ressemblait pas, moi la sociable, la bavarde, la rigolote. Je ne me retrouvais dans aucune conversation, plus de partages, plus d’atomes crochus.
J’ai alors commencé à avoir soif, très soif de savoir. J’ai lu et tellement lu sur tout, j’ai rencontré, écouté une maman ou deux qui tenaient un discours qui me faisait écho, assisté à des conférences et petit à petit mon rôle s’est dessiné plus net, plus fort, plus décidé. Je me suis éloignée alors de ce qui ne me ressemblait pas pour assumer pleinement ma différence et aller au bout de ma démarche, sans tabou, sans frontière, sans œillères.
Elle est arrivée comme un cheveux sur la soupe ma prise de conscience, jamais je ne m’étais imaginée être ce genre de mère un jour, je n’en connaissais pas de toute façon, jamais j’aurai pensé changer à ce point sur bien des domaines. Le parentage de proximité a éveillé mes sens sur de nombreux thèmes: mieux consommer, mieux manger, mieux interagir, mieux me respecter et m’aimer, transmettre et me renseigner.
Cela a été brutal, en quelque sorte, car je n’avais aucun repère et puis j’avais plein de plans pour ma famille et moi, des attentes à grande échelle : Carrière, multi-fonction, voyages… Je me rappelle encore de cette belle phrase toute faite que je disais avant elle: « c’est elle qui s’adaptera à notre rythme pas nous !!! »
Quand je me relis, je ris tout bas. J’ai appris depuis 2 ans à partager, négocier, je me suis tout simplement assouplie. On respecte nos rythmes respectifs, on s’écoute sans nous fixer d’objectif de performance.
Le parentage proximal est suivi de près par l’éducation bienveillante, sa suite logique. Et finalement ce revirement a été le chemin le plus doux pour nous. Comme nos objectifs sont réalisables, on apprivoise l’échec qui fait aussi partie du cheminement.
Pour moi avoir choisi ce mode d’éducation était tout simplement moins exigeant, c’est paradoxal parce qu’on nous dit toujours que le cododo, l’allaitement prolongé, le portage, les consignes sans punition c’est très exigeant, mais moi je m’y retrouve, je me sens moi, je ne lutte pas et ça fait toute une différence.
J’ai vu tant de familles déchirées par leurs choix: de laisser pleurer, de confier, se séparer, de punir. J’ai vu des mamans pleurer en tenant un discours opposé à ce qu’elles pratiquaient pourtant.
Ces méthodes je les trouve douces car on ne force rien, on ressent et on suit ce qui nous parle, c’est le plus beau cadeau que je pouvais me faire à moi, petite fille abimée par une enfance douloureuse, mais aussi à ma fille qui pourra grandir à son rythme le plus possible.
Je suis proximale, et grâce à cette révélation je me suis trouvée, comme un trésor sous mes pieds !!
Chloé Boehme
conseillère périnatale et familiale
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