Au Québec, l'accouchement à la maison demeure marginal et jugé à tord. Environ 2% des femmes accouchent en maison de naissance et seulement 0,2% décident de le faire à domicile. Lorsque j'ai fais mes cours d'obstétrique durant ma technique infirmière, j'étais moi-même la première à juger celles choisissaient de donner naissance en dehors du milieu hospitalier. On m'avait convaincu qu'accoucher était un acte dangereux et risqué.
Puis j'ai eu une première grossesse. Je voulais à tout prix avoir une sage-femme, mais je demeurais craintive face à mon premier accouchement. J'ai donc décidé de donner naissance à l'hôpital, mais de façon naturelle. Après une relation de 9 mois, une grande confiance s'était installée entre ma sage-femme et moi.
Tout s'est merveilleusement bien passé. À bien y repenser, le seul souvenir négatif qu'il reste à mon esprit est le long trajet en auto, dans le trafic du matin. Les contractions étaient plus douloureuses, et pourtant j'avais l'impression que rien n'avançait.
Je me rappelle avoir eu l'impression d'avoir 'perdu' une heure. Ma bulle était crevée.
Deux ans plus tard, lors de ma deuxième grossesse, c'est là que l'idée d'accoucher à domicile a vraiment fait son chemin. Je voulais donner naissance dans mon intimité, mon environnement, mon confort. J'ai compris que les hormones de stress (adrénaline-noradrénaline) étaient nuisibles au travail de l'ocytocine, l'hormone responsable des contractions utérines. J'ai donc décidé de donner naissance dans l'endroit qui me semblait le plus calme et intime: chez moi.
Cependant, je dois avouer que je demeurais avec une petite crainte concernant la sécurité de celui-ci. Je ne voulais prendre aucun risque pour moi et le bébé. J'ai passé plusieurs mois à me renseigner, à lire diverses études et des témoignages. Conclusion: les diverses recherches sont claires. Pour des accouchements dont les conditions sont comparables et pour une clientèle sélectionnée présentant des bas risques de complications, les taux de mortalité et de morbidité périnatales sont égaux et même légèrement inférieurs à domicile. De plus, le taux d'interventions (parfois inutiles) y est plus bas.
En effet, quand on lit sur l'histoires des naissances au travers le monde, on comprend que c'est une minorité d'accouchements qui ont lieu dans les hôpitaux. Et les risques d'un accouchement assisté d'une personne qualifiée, ne sont pas du tout les mêmes qu'un accouchement non assisté. Les pays-Bas l'ont bien compris: 30% de leurs accouchements se font à la maison avec sage-femmes mais aussi avec des médecins. Ici, on se fait demander pourquoi on accouche à la maison, là-bas, c'est la femme qui décide volontairement d'accoucher à l'hôpital qu'on trouve 'hors norme'.
Le jour de mon accouchement, tout était déjà prêt chez moi depuis plusieurs semaines: Solutés- oxygène-médicaments d'urgence- ocytocine-matériel de réanimation et intubation, etc.
J'avais vu mon acuponcteure et pris une marche en fin d'après-midi pour stimuler mon travail. Après le souper, ma poche des eaux s'est crevée spontanément. Si j'avais été suivie à l'hôpital, j'aurais quitté instantanément pour l'hôpital.
Mais j'ai eu de la chance, j'ai pu rester dans le confort de mon foyer à relaxer toute la nuit. Je me reposais (j'ai même dormi), entre mes contractions irrégulières. Je parlais régulièrement à ma sage-femme par téléphone, et je vérifiais le coeur du bébé de temps à autre. Pour des raisons bien personnelles nous avions décidé que la grande soeur se ferait garder. Je me rappelle très bien un moment vers 4h du matin, où la maison était tranquille ( mon conjoint dormait à ce moment là). J'avais mis de la musique douce et j'étais seule avec bébé dans le bain, bien connectée à mon corps. C'est précisement à ce moment là que les contractions sont devenues plus régulières, et plus douloureuses. Après discussion avec ma SF, elle avait décidé de me visiter pour une vérification. Tout se passait bien, elle m'a quitté en me donnant quelques 'trucs' pour stimuler mon travail, avec un sourire d'encouragement. Elle m'a aussi demandé de la rappeler lorsque les contractions se rapprocheraient aux 4-5 minutes.
Voilà, tout l'avant-midi j'ai alterné entre, marcher dans la cuisine-banc d'accouchement-douche et bain. J'étais incapable de m'assoir. Vers 10h30 la gravité avait fait son oeuvre, les contractions étaient régulières, aux 4 minutes, mais tout de même tolérables. Je me sentais malgré tout, bien. Je n 'avais pas l'impression que l'accouchement était imminent. Mon conjoint a quand même appelé ma SF: comme c'était un 2ème bébé, elle décide de venir nous rejoindre, au cas où cela se déroulerait plus vite que prévu. Vers 11h15 elle est arrivée avec son étudiante. J'étais tellement dans les « vappes » que je ne sentais plus aucune contraction. L'étudiante m'a dit que le corps donne parfois une pause avant la poussée (wow je n'avais pas connu ça au premier accouchement). Elles m'ont examiné pour la première fois, j'étais à 7 cm. Elles ont rejoint par téléphone la 2ème SF. Vers 11h50 la douleur était revenue, mais cette fois-là, insupportable. J'avais des contractions très douloureuses mais qui demeuraient espacées aux 4 minutes. À 12h00 je sentie la poussée physiologique et c'est à 12h10 que j'ai accouché, tout juste en même temps que l'arrivée de la 2ème SF!
Tout compte fait, donner naissance à domicile m'a aidé à me sentir en sécurité, dans un endroit privé où personne ne viendrait interférer avec mon accouchement. Ce sont des conditions dont lesquelles tous les autres mammifères ont besoin pour compléter un accouchement.
L'accouchement à la maison m'a semblé moins douloureux, et plus facile. Aucune coupure dans le temps, juste une connexion intense avec mon corps qui s'apprêtait à faire la plus belle chose que j'ai fait jusqu'à aujourd'hui: donner naissance. J'ai senti que mon bébé est né dans le respect. La lumière tamisée, les gens présents qui chuchotaient, et, en prime le spiritueux après l'accouchement ont rendu l'environnement calme et en même temps festif. Que dire de l'aide natale qui a rendu ma maison encore plus propre qu'elle ne l'était avant son arrivée! Tout le monde était disponible pour notre confort. Même l'étudiante a été ultra-présente avec moi mais aussi pour mon conjoint qui n'a pas été mis de côté. Elle l'a fait participé activement en lui montrant des façons de me soulager. J'ai pu manger et boire selon mes désirs. On m'a respecté, proposé des traitements mais sans les imposer ou suivre de protocole sévère. Ces femmes ont beaucoup de jugement et évalue chaque situation dans son ensemble. Les sage-femmes s'occupent non seulement du bébé mais de la famille entière. Après l'accouchement, elles étaient très discrètes et nous ont laissé seuls avec bébé, il n'y a eu aucune presse pour les soins et examens. Tous ces détails ont fait de mon accouchement, une expérience positive et mémorable.
Audrey-Maude Nantel
infirmière bachelière
maman de Léanne 31/2 ans, et Maxime 8 mois
Prise de position du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists/Royal College of Midwives sur l'accouchement normal (PDF 1.6 megs) novembre 200
Outcomes of planned home births versus planned hospital births after regulation of midwifery in British Columbia (PDF 119kb) février 2002